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Investir demain ? Nouvelle grille de lecture & usages à géométrie variable [Romain Setrouk - Directeur des Investissements]

Dans un secteur qui n’est pas épargné par la brutalité du contexte actuel, et où toujours plus de nouveaux produits et d’intervenants permettent de diversifier ses investissements, il est urgent d’identifier les nouveaux enjeux qui viendraient modifier notre lecture du marché immobilier !

Car, si définir ses critères d’investissement, c’est d’abord être en phase avec son profil de risque et sa sensibilité, c’est aussi savoir mettre en perspective son analyse du marché avec les évolutions sociétales, environnementales et économiques.

Les investisseurs, qu’ils soient privés ou institutionnels, vont certainement ajuster ou revoir certains de leurs critères et, a minima, surpondérer les risques exogènes et systémiques dans leur grille de lecture. L’expérience récemment vécue de cette crise sanitaire les incitera également à cibler des actifs toujours plus liquides, pouvant palier à un besoin court terme de fonds propres.

Cette crise, qui teste notre capacité opérationnelle à conserver des revenus pérennes, se distingue d’un point de vue immobilier par son effet catalyseur :

- Elle vient éprouver les nouveaux concepts immobiliers (coworking, coliving, usages hybrides, etc.), dont les business model et les applications concrètes n’ont pas encore été validés sur la durée.

- Elle stimule une transformation qui s’opère désormais à grande vitesse : celle de l’usage des espaces et lieux de vie.

 

Les rÉponses du tÉlÉtravail...  

Il y a fort à parier, par exemple, que les espaces de travail se répartiront désormais entre le bureau et le domicile. La réussite flagrante du télétravail, qui repose sur des technologies de communication désormais fiables, se fonde également sur le constat qu’il puisse permettre : une organisation personnelle efficace, la conversion du temps de transports en temps « utile », des gains de productivité et un nouvel équilibre entre sa vie privée et professionnelle.

Paradoxalement le télétravail révèle également l’importance du lieu de travail collectif comme un vecteur de lien social incontournable, et celle de pouvoir échanger physiquement dès lors qu’il s’agit de réfléchir ensemble, convaincre ou partager de manière informelle de l’information.

Ceci étant dit, la prolifération des outils collaboratifs - digitalisation des formations via des webinars, réunions et rendez-vous commerciaux par visio-conference, etc. - va clairement dans le sens d’une mobilité et d’un nomadisme extra-entreprise accrusLes salariés pourront à l’avenir choisir plus librement leur lieu de vie, se détachant ainsi des contraintes imposées par les transports en commun (délais, sanitaires et sécurité).

La réduction de surfaces de bureaux (ou d’« emprise immobilière ») pourrait s’opérer pour certaines fonctions au sein de l’entreprise et l’économie potentielle réalisée à terme être partagée entre le salarié et l’entreprise à travers de nouveaux schémas de participation au coût de télétravail (abonnement internet, quote-part de loyer et du mobilier, etc.).

 

L’immobilier tertiaire ?

Certains investisseurs verront dans les marchés prime - où une demande placée dynamique cohabite avec une sous-offre quasi-structurelle, l’allocation idéale pour limiter les risques et laisser passer l’orage. C’est principalement cette rareté des surfaces qui permettra à ces marchés de conserver l’essentiel des valeurs vénales, à travers une baisse modérée des loyers.

A l'inverse, d’autres verront dans les marchés secondaires - où une demande placée plus volatile côtoie une offre de seconde main surabondante, un terrain de jeu moins concurrentiel et plus enclin à offrir des opportunités de prix bas.

Et, a contrario de certaines sorties de crises passées, la masse de capitaux opportunistes qui attend cette correction est bel et bien là.


Les écarts de prime de risque entre les différentes stratégies d’investissement (Core, Core+, Value Added et opportuniste), qui avaient été progressivement gommés par un marché haussier et toujours plus optimiste, devraient à nouveau se creuser et tendre vers une approche plus réaliste du couple risque/rendement.   

Dans un contexte de taux négatif, le spread entre les taux de rendement et l’OAT 10 ans devrait se maintenir ou augmenter, venant ainsi amortir la baisse à venir de l’indexation des loyers et peu d’inflation à court terme.


Les grandes métropoles de régions, dont les marchés tertiaires sont pour certaines parfaitement maîtrisés par les politiques d’aménagement qui dosent et cadencent l’offre future au rythme d’une demande placée lisible et croissante, resteront prisées par les investisseurs long terme.

D’autres villes majeures pourraient être appréhendées avec plus de prudence, selon leurs expositions à certains risques potentiels : part conséquente des TPE dans le tissu économique, marchés moins lisibles et trop dépendants de certains secteurs d’activité, stock futur devenu trop important car dopé par de nombreux lancements de programmes en blanc, etc.

Les actifs dits « clés en mains », qui répondent aux usages spécifiques d’un locataire, vont nécessairement capter l’attention. Le meilleur investissement immobilier n’est-il pas celui qui réponde au mieux aux attentes du futur locataire ?

Être à l’écoute des utilisateurs certes, mais également des nouvelles générations pour qui la frontière entre bureau et espace privé a désormais moins d’importance que l’autonomie, l’optimisation du temps de travail et le bien-être dans les différents espaces de vie.

Les nouveaux codes de ces jeunes générations, qui challengent l’organisation actuelle de l’entreprise et défient un management « présentéiste », vont nécessairement accélérer l’obsolescence des bâtiments tels qu’ils sont conçus aujourd’hui, et inciter à réfléchir à de nouveaux espaces, tant au sein des bureaux que chez soi.


Enfin les investisseurs, qui seront toujours plus attentifs à la santé financière des locataires, le seront également concernant leur capacité à faire face à une nouvelle crise sanitaire ou à un nouvel arrêt brutal de l’activité. Les notations pourraient désormais intégrer le potentiel de résilience et l’agilité d’une entreprise-locataire dans ces cas précis, et sa capacité à adopter des schémas alternatifs d’activité en cas de repli et de confinement des clients et salariés.

Une prime serait alors accordée aux entreprises capables de maintenir une activité minimum, à celles des secteurs de première nécessité, et à celles dont l’indépendance logistique et l’autonomie des équipes permettraient de redémarrer plus rapidement.

 

Le coworking ?

Fragilisés par la flexibilité inhérente à leur offre, ces espaces subissent davantage le revers conjoncturel que structurel d’un modèle innovant qui a su répondre aux attentes profondes des utilisateurs. Ainsi, les locataires fragilisés et en défaillance pourront aisément libérer des surfaces pour diminuer leurs coûts fixes.

Le retrait de certains opérateurs, dont les modèles et les projections d’activité leur permettaient de figurer au premier rang des locataires les mieux disant, va certainement participer à freiner la croissance des niveaux de loyer des prochains mois.

Mais, à défaut d’un risque de vampirisation, la cohabitation avec les espaces de bureaux dits « traditionnels » et le télétravail pourrait s’installer naturellement.

 

Le logement ?

Il sortira renforcé de cette crise et les flux de capitaux vers cette classe d’actifs se poursuivront à travers notamment des acquisitions en bloc. Les investisseurs augmenteront leur exposition car le logement répond à un besoin primaire et ses fondamentaux demeurent solides : obsolescence et corrélation à l’activité économique plus faibles.

Cette classe d’actif, historiquement assimilée à une valeur refuge par sa liquidité, sa stabilité et sa résilience, rayonne également désormais par les usages multiples qu’elle propose : résidence principale, espace de travail, espace locatif via divers schémas (professionnel, meublé, courte ou longue durée, avec des services, etc.).

Dans la vente au détail de logements, et bien que les ménages soient économiquement soutenus par l’Etat, les vagues potentielles de licenciement viendront freiner la demande, et notamment celle des primo accédants. Néanmoins, cette baisse sera compensée par une sous-offre structurelle et renforcée par le décalage des chantiers et le report des livraisons.



Si les usages de demain guideront nos investissements futurs, espérons que les thématiques du développement durable et des pratiques plus éthiques & solidaires leur donneront davantage de sens. Un immobilier responsable et encadré par les politiques RSE est le levier de l’innovation.


Romain SETROUK
Directeur des Investissements chez Foncière Magellan


Romain Setrouk